Allo Barroso ? ici Nico, tu peux t'occuper des retraites ?

Publié le 2 Août 2010

Jeudi, 29 Juillet 2010 - Christophe Ventura © parti de gauche
 
 

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Le 7 juillet 2010, la Commission européenne a publié un livre vert sur les retraites intitulé Vers des systèmes de retraite adéquats, viables et sûrs en Europe. Dans le fonctionnement des institutions européennes, un livre vert ne comporte pas de propositions d'actes législatifs, mais il permet d'amorcer un processus de réflexion/consultation au terme duquel la Commission peut, par exemple, produire un livre blanc (qui contiendra, lui, des propositions concrètes). La date de clôture de la consultation sur les retraites a été fixée au 15 novembre 2010.

 

Le premier objectif de ce livre vert est manifestement de renforcer un bruit de fond favorable aux différentes "réformes" nationales en cours sur les régimes de retraite, aux politiques d'austérité, voire aux programmes de réglementation / développement des services financiers. C'est ce que la Commission appelle « ouvrir un débat européen ».

 

L'essentiel de la « démonstration » du document préparé par les commissaires László Andor (emploi, affaires sociales et inclusion), Olli Rehn (affaires économiques et monétaires) et Michel Barnier (marché intérieur et services) repose sur une instrumentalisation politique et idéologique de plusieurs phénomènes réels, mais qui peuvent appeler d'autres réponses : vieillissement démographique, conséquences de la crise économique et financière, endettement public.

 

Du point de vue des auteurs, ces facteurs combinés doivent aboutir à l'augmentation de l'âge de départ effectif à la retraite, au développement de la retraite par capitalisation et de la mobilité des travailleurs ( flexibilisation accrue du marché du travail).


Dans son introduction, le texte s'appuie sur les déclarations de José Manuel Barroso, faites lors de la présentation de ses « orientations politiques » le 3 septembre 2009. Le président de la Commission affiche la couleur : « Des millions d'Européens n'ont pas d'autre revenu que leur pension de retraite. La crise a montré l'importance de l'approche européenne en matière de régimes de retraites. Elle a démontré l'interdépendance des différents piliers des régimes de retraite au sein de chaque Etat membre et l'importance d'approches commune au niveau de l'UE en matière de solvabilité et d'adéquation sociale. Elle a mis en évidence que les fonds de pension étaient un élément important du système financier ».


Avant d'entrer dans le contenu de ce livre vert, il faut comprendre comment la Commission cherche à « exister » et à « faire exister » l'UE sur la question des retraites. Cette question, en effet, ne fait pas partie des compétences exclusives de l'UE, ni même des compétences partagées avec les Etats. Tout juste des compétences dites d'appui - en l'occurrence la coordination des régimes de Sécurité sociale et la levée des obstacles à la libre circulation des travailleurs.


Mais l'UE a compétence en matière de réglementation du marché intérieur - « qui concerne les retraites »- ou de surveillance des équilibres macro-économiques (« critères de Maastricht ») dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. Le fil de la pelote est tout trouvé... Il faut cependant ménager les susceptibilités des Etats membres très attentifs au respect, par la Commission, des compétences prévues par les traités. Ce qui explique le sentiment étrange qui se dégage du document : alors que, dans ses constats, il loue les vertus du régime par répartition et déplore les effets des régimes par capitalisation... il finit par concentrer l'essentiel de ses propositions sur le fonctionnement du marché intérieur, le développement du marché assuranciel et une gestion orthodoxe des finances publiques. D'où une conclusion « logique : « Au niveau de l'UE, les systèmes nationaux de retraite sont soutenus par un cadre d'action allant de la coordination politique à la réglementation. Certains thèmes communs doivent être en effet traités de manière coordonnée ; c'est le cas, par exemple, du fonctionnement du marché intérieur, des exigences résultant du Pacte de stabilité et de croissance, ainsi que des réformes des retraites, qui doivent être cohérentes avec la stratégie « Europe 2020 » ».

Parmi les principaux objectifs de cette stratégie se trouvent la question de l'emploi... et celle du marché unique : « L'objectif (...) en matière de taux d'emploi (75 %) nécessite d'atteindre des taux d'emploi nettement plus élevés qu'actuellement dans la population âgée de 55 à 65 ans. » Il s'agit donc d'augmenter l'âge effectif de départ à la retraite...


Autre objectif affiché : « La levée des obstacles qui entravent l'achèvement du marché unique, ce qui peut se faire par exemple en rendant le marché intérieur des produits financiers plus sûrs et mieux intégré et en facilitant la mobilité de tous les travailleurs ». L'UE doit donc consolider le secteur des produits financiers, comme ceux offerts par les fonds de pension. Pour le livre vert, « le fait de compléter le marché intérieur en y incluant les produits de retraite aura, de surcroît, un effet direct sur le potentiel de croissance de l'UE et concourra donc directement aux objectifs de la stratégie « Europe 2020 ».


D'une manière plus générale, il s'agit « de revoir la réglementation des régimes de retraites par capitalisation, de manière à garantir leur efficacité et leur fiabilité ». Du point de vue de la Commission, cette nécessité est rendue plus grande du fait de l'impact de la crise financière sur les acteurs du marché des retraites : « La chute des taux d'intérêt et de la valeur des actifs a affaibli les taux de rendement et la solvabilité des régimes par capitalisation : en 2008, les fonds de pension privés ont perdu 20 % de leur valeur ». Il s'agit, avant tout, de les aider à « surmonter la crise ».

Par le biais du fonctionnement du marché intérieur et de la surveillance macro-économique, la Commission européenne définit donc des domaines d'intervention « européens » possibles dans le champ des retraites.

De quelle manière ? Plusieurs orientations sont proposées :

 

  • Allongement de l'âge effectif de départ à la retraite ;
  • Accroissement des taux d'emploi et de la mobilité des facteurs de production (main d'œuvre et capital) ;
  • Réduction des dépenses publiques ;
  • Développement et renforcement des capacités des régimes par capitalisation ;
  • Développement des régimes complémentaires et d'une offre assurantielle individuelle pour les travailleurs ; instauration d'un régime de retraite privé à l'échelle des Vingt-Sept coexistant avec les systèmes nationaux (« consolidation du marché des retraites ») ;
  • Renforcement de l'efficacité de la réglementation des marchés financiers « compte tenu du rôle croissant des fonds de pension » ;
  • Amélioration de la gouvernance des retraites à l'échelle de l'UE (comparabilité des statistiques, notamment sur les fonds de pension, mise en place d'une plateforme commune de suivi des politiques de retraites) ;

 

On ne sera pas surpris que, dans son livre vert, la Commission n'envisage pas la possibilité d'une fiscalité sur le capital et les revenus financiers pour financer les systèmes de retraites par répartition. Elle ne dit rien non plus de ce que pourrait représenter ce juteux « marché des retraites » pour les fonds de pension...


A ce jour, les gouvernements des principaux pays de l'UE (Allemagne, Espagne, France, Italie...) semblent, sans surprise, avoir reçu positivement cette contribution de la Commission. En revanche, le Royaume-Uni la rejette, dans la mesure où les régimes de retraite relèvent de la seule compétence nationale. Pour sa part, la Confédération européenne des syndicats a manifesté ses inquiétudes.

Rédigé par Sylvie Boussand

Publié dans #Parti de Gauche

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G
<br /> <br /> Comme ça ils pourront dire que c'est la faut à l'europe, socialos en tête.<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Bonne remarque gencode ; à ce petit jeu là, UMP et PS sont passés maîtres.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> <br /> Dany le vert  68ard ? ... J'ai du mal à le croire ! <br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Quand les années passent, certaines "convictions" se ramollissent… pas dans les paroles, mais dans les faits. Ah, le train de la société de consommation… de gré ou de force, on y est tous montés.<br /> <br /> <br /> Difficile d'en descendre, surtout en route !<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> <br /> En France , comme en Europe ( CES dont est maintenant intégrée la cgt qui était auparavant dans la FSM ) on a perdu l'habitude de se battre . On fait juste acte de présence , comme ce sera encore<br /> le cas avec le 7 septembre , eunième journée d'action !..une de plus ! ( on a pas encore tiré la leçon en terme d'efficacité de ces journées à répétition )<br /> <br /> <br /> Il va falloir que les 68ards reprennent du service ! .. le comble , c'est qu'ils sont tous en retraite ! .. , et qu'ils<br /> ne peuvent plus faire grève .<br /> <br /> <br /> Tous en gréve générale illimitée  ! .. c'est le seul moyen de mettre cette réforme à la poubelle ! ... Il n'y en a pas d'autres ! ..<br /> <br /> <br /> Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Euh… les soixantuitards sont pas tous en retraite… regarde Dany le caméléon… et pas mal se trouvent dans les états-majors du CAC 40… il y a eu des "virages" surprenants !<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> <br /> Pour l'instant, seul le PG en parle. Je trouve la confération des syndicats européens bien molle.<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Au vu de leur remarque sur l'ultime mouture de la directive service, je ne suis pas sûre que la confédération des syndicats européens soit la mieux placée pour défendre les travailleurs<br /> européens, loin de là… une fois de plus, je crois qu'il ne faudra compter que sur nous, et sur la capacité des principaux intéressés à se bouger les fesses… ou non.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> <br /> bonjour Sylvie -<br /> pas bon de reculer l'âge de la retraite - les salariés seront en maladie pour un oui ou un non - et même pour une vraie maladie !!<br /> il faudrait une embauche en CDI pour remplacer le salarié qui part en retraite -<br /> mais ils ne sont pas remplacés -<br /> il n'y a pas de travail --- et on paie tout le monde au smic ! pas normal<br /> dans l'Aude rien - pas d'usine - prime à l'arrachage des vignes - pas de grandes villes prés des villages ---  <br /> cela fait deux ans que je suis aux chômage on ne me trouve rien dans mon coin -on me propose des postes d'homme --- carreleur - etc pour un poste demandé de secrétaire comptable - et reconnue<br /> travailleur handicapé -<br /> Pôle emploi n'a rien comme offres - des intérims pour l'été !!<br /> <br /> bisous   Lady marianne<br /> que les fonctionnaires partent à 65 ans aussi !!<br /> et cotisent comme dans le privé !<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Bonjour Lady,<br /> <br /> <br /> le 7 septembre, travailleurs, retraités, chômeurs, fonctionnaires… tout le monde doit être dans la rue.<br /> <br /> <br /> Les différences entre publics et privé existent, oui, encore pour l'instant. Mais ce qui se joue, au delà de ressenti parfois agaçant vis à vis des fonctionnaires, c'est le modèle français de<br /> service public : le même service pour tout le monde, sur tout le territoire, au même prix avec application de la péréquation pour maintenir des tarifs accessibles à tous.<br /> <br /> <br /> Les usagers, c'est à dire nous tous, n'ont rien à gagner ni à attendre d'une concurrence passée aux mains du privé ; le plus grand tort des fonctionnaires aura peut-être été de ne pas avoir ou<br /> pas assez alerté les usagers sur les privatisations rampantes dès qu'elles ont été amorcées, et sur les enjeux POUR les usagers. Nous n'avons rien à gagner collectivement à nous dresser les uns<br /> contre les autres, bien au contraire. En ce moment, le seul mot d'ordre gouvernemental, c'est de tirer la majorité des français vers le bas : moins de pouvoir d'achat, précarisation, insécurité<br /> sociale et professionnelle, et de nous mettre en situation de nous endetter en permanence pour faire face au quotidien.<br /> <br /> <br /> Des populations en état de dépendance pour survivre, autant de personnes qui n'auront plus d'autres choix que d'accepter tout et n'importe quoi en terme de travail et de salaires.<br /> <br /> <br /> Bonne journée, et bises.<br /> <br /> <br /> <br />